Agriculture et alimentation : une prise de conscience ?
S’il y a une image qui caractérise l’arrivée de la pandémie en France et les mesures de confinement, c’est bien celle des rayons vides dans les supermarchés. Inquiète de ce qui allait arriver aux circuits de la grande distribution, la population a pris ses précautions et les achats démesurés ont surpris les grandes enseignes qui n’ont pas pu tenir la cadence.
En Mars 2020, certains produits viennent à manquer dans les magasins et la population en sait encore peu sur le virus qui circule activement. C’est ainsi que, pour éviter de croiser trop de monde dans les supermarchés et soutenir les commerces locaux, les consommateurs se tournent peu à peu vers les petits producteurs. Les marchés fermiers et la vente directe ne sont pas des nouveautés du confinement, mais c’est grâce à celui-ci qu’ils ont obtenu de nouveau adeptes. La Ruche qui dit oui, un réseau d’AMAPs, a enregistré une forte augmentation de ses ventes au mois de Mars 2020 : une hausse de 70% de son chiffre d’affaires et une hausse de 30% de la taille du panier moyen (Schaub et Massiot, 2020). Donc non seulement davantage de clients, et qui achètent plus qu’avant.
Des outils pour faciliter la consommation locale pendant le confinement
En Mars 2020, les marchés comptaient parmi les activités interdites afin de limiter les rassemblements de personnes. La Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) et la Confédération paysanne ont alors appelé les collectivités locales à mettre en place des alternatives et encouragé la population à acheter à la ferme. Pour ceci, les plateformes de vente en ligne, les réseaux de circuits courts et les moteurs de recherche spécialisés ont été recensés et sont disponibles sur le site de la FNAB.
Un autre fruit du travail de la Confédération paysanne et de la FNAB est un document qui donne accès à toutes les alternatives de vente directe, par région ou département. Une première partie recense les mesures mises en place par les collectivités. On peut trouver des cartographies de circuits courts comme des mesures pour fournir des locaux de vente aux producteurs. Dans une seconde partie apparaissent les initiatives menées par des associations ou particuliers. Livraisons à domicile, commandes groupées et mise en relation producteurs/consommateurs sont facilitées par les nombreuses mesures mises en place et classées par département (http://confederationpaysanne.fr/sites/1/articles/documents/2020_03_26_Doc-FNAB-CONF-Alternatives.pdf).
Maintenir les circuits courts, même en sortie de confinement
Les bénéfices des circuits-courts sont multiples. Pour le consommateur, c’est la garantie d’une bonne traçabilité et cela peut être moins cher. C’est aussi l’acte d’achat qui est totalement différent, car il crée un contact social et la possibilité de se faire conseiller par le producteur. Et c’est bien-sûr plus agréable que de se rendre dans une grande surface. Pour le producteur, c’est un mode de vente qui lui procure une meilleure rémunération et qui le débarrasse des nombreux intermédiaires. Cela lui permet également de rencontrer les clients et de communiquer avec eux sur son système de production. Enfin, il faut aussi noter les bénéfices environnementaux : réduction des émissions de CO2 liées au transport, réduction des emballages, davantage de produits de saison …etc.
Le gouvernement encourage le développement des circuits courts, notamment à travers la mise en place de la plateforme fraisetlocal.fr (https://agriculture.gouv.fr/lancement-de-la-plateforme-fraisetlocalfr). Le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a lancé ce projet qui permet de trouver des producteurs près de chez soi selon le produit recherché (fruits, légumes, viande, poisson …) ou selon le type de point de vente voulu (magasin de producteurs, marché, point de retrait …). Lancée le 12 Janvier 2021, elle recense déjà plus de 8000 exploitation et points de vente en France métropolitaine et territoires d’Outre-Mer.
Enfin, la vente directe n’est pas qu’une affaire de consommation, il faut aussi savoir gérer cette activité, ce qui demande de nouvelles compétences aux producteurs. Wizifarm a pensé à cette problématique et œuvre à y répondre en développant un assistant en ligne : Prosper. Celui-ci aura pour but de faciliter la vente en circuit court pour les agriculteurs, notamment sur les aspects de gestion des clients (WiziFarm, 2020).
Mobilisation de la population pour aider les agriculteurs : un milieu mieux compris ?
La fermeture des frontières et les confinements ont rapidement fait diminuer le nombre de travailleurs étrangers présents sur le sol français et la main d’œuvre saisonnière est venue à manquer. La solution était donc de faire appel aux travailleurs qui ne pouvaient plus exercer leurs activités pendant le confinement. Des mesures ont donc été mises en place pour faciliter la création de contrats. Ainsi, des personnes ayant déjà un autre contrat en temps partiel, des individus au chômage partiel ou ne pouvant tout simplement pas occuper leurs postes se retrouvaient avec une nouvelle possibilité d’activité. Des contrats de durées variables ont pu être crées facilement, notamment grâce à des délais de préavis raccourcis. De plus, les travailleurs pouvaient cumuler le salaire de leur activité agricole sans perdre l’indemnisation d’activité partielle. Ceci a créé une situation bénéfique pour les agriculteurs, qui ont pu obtenir de l’aide, et pour les travailleurs qui ont pu être un peu moins confinés.
Au-delà de la dimension administrative, des mesures ont été mises en place pour faciliter la mise en relation des producteurs et des volontaires. Tout d’abord les attestations de déplacement autorisaient à se déplacer et ne limitaient donc pas l’aire géographique dans laquelle les travailleurs pouvaient se rendre. Mais c’est une plateforme qui a permis d’assurer le succès de l’aide aux agriculteurs : « Des bras pour ton assiette ». Créée par la FNSEA, elle donnait la possibilité de se manifester pour proposer de l’aide aux agriculteurs et ainsi faciliter la recherche de main d’œuvre pour les producteurs. L’impact de la plateforme est notable, avec plus de 15 000 contrats signés à travers celle-ci pendant le premier confinement.
Certains volontaires ont cependant trouvé le travail trop difficile et n’ont pas continué. Christiane Lambert, présidente de déclarait sur France Bleu en Mai 2020 que « cela montre la difficulté de ces métiers-là ». La crise du Covid-19, avec ses confinements, avec les étagères vides dans les magasins, avec les producteurs qui exercent leur métier sans relâche (comme tant d’autres de ces fameux travailleurs essentiels) … A-t-elle, avec tout le bruit qu’elle a fait, réussi à faire entendre les voix des agriculteurs ? Peut-être que le rapport de la population globale aux individus qui la nourrissent et à l’agriculture aura un peu changé.
Laisser un commentaire