L’après Covid en Russie: vers un tourisme durable
Par: Paakhi Bhatnagar, Research Leader for Russia and Central Asia pour Econogy Project
Traduit par: Jade Payan, Project Manager pour Econogy Project
L’industrie du tourisme a subi d’importants revers en raison de la pandémie du Covid-19, mettant en difficulté les pays dont l’économie nationale dépend principalement de ce secteur.
L’étude proposée s’intéresse au cas de la Russie. Si l’économie de la Russie repose essentiellement sur l’exportation de pétrole et de gaz naturel, il n’en reste que le tourisme représente presque 4% de la VAB (Valeur Ajoutée Brute) du pays. Ainsi, bien que la Russie se soit efforcée, comme la plupart des pays, de stimuler l’emploi afin de relancer son économie à la suite de la pandémie, les 400 000 emplois que représente ce secteur ont été mis en péril.
La question reste de déterminer si la Russie est en mesure de sauver cette industrie. Le tournant d’une reprise verte, impliquant un remodelage de l’industrie du tourisme, est-il la solution ?
Vers une reprise verte
En réponse immédiate à la pandémie, les nations ont fait primer la protection de la santé publique sur le développement durable. En effet, l’analyse des effets des mesures de confinement mises en place à l’échelle nationale est double. Certes, les mesures de confinement ont eu un effet positif immédiat sur l’empreinte carbone des pays, mais elles ont également mis un frein à l’économie faisant prendre le risque d’une reprise économique négligeant la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Il est désormais crucial d’examiner comment la reprise post-pandémique peut être adaptée pour s’aligner sur les ODD.
La mutation du secteur touristique que nous nous proposons d’étudier offre un excellent exemple de la manière dont une industrie peut être remodelée pour atteindre les objectifs de développement durable tout en renforçant l’économie nationale.
Le secteur tertiaire s’appuie sur l’analyse du comportement du consommateur et doit s’adapter aux éventuels changements conjoncturels susceptibles de le modifier. Ainsi, lorsqu’en mars 2020, la fermeture progressive des frontières et l’anxiété générale générée par la pandémie du Covid-19 ont bouleversé le référentiel de choix des consommateurs en matière de tourisme, l’offre devait être réadaptée.
Saint-Pétersbourg, l’une des destinations touristiques les plus populaires auprès des voyageurs nationaux et internationaux en Russie, offre un cas d’étude idéal à l’examen d’une telle adaptation. En effet, en 2020, la métropole a modifié sa stratégie afin d’attirer davantage de touristes nationaux.
En juin 2020, la Russie a publié sur la plateforme en ligne de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques son plan d’action pour une reprise durable après la pandémie de COVID-19. Ce plan se concentre sur les mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, en particulier sur la transition vers des sources d’énergies renouvelables et plus durables. L’industrie du tourisme rural apparaît être un moyen conséquent dans la mise en œuvre de ces mesures.
Changer la stratégie touristique de la Russie
Le tourisme rural consiste à lier le tourisme à des activités basées sur la nature, telles que l’observation des paysages agricoles et la découverte du style de vie et de la culture rurale.
Dans le contexte pandémique actuel, ce mode de tourisme constitue une alternative particulièrement viable face au tourisme ordinaire.
Nous pouvons identifier trois avantages associés au tourisme rural : d’abord, la clientèle visée étant nationale, le tourisme rural permet de contourner l’obstacle que constitue la fermeture des frontières ; ensuite, il permet aux citadins de s’impliquer dans l’économie locale de son pays en découvrant un cadre de vie alternatif ; enfin, le bien-être des résidents urbains s’en trouve amélioré, et ce d’autant plus après les phases de confinement successives.
Ainsi, le tourisme rural répond au seizième objectif de développement durable, « villes durables », en favorisant la territorialisation des zones rurales.
La valorisation du territoire rural source d’autosuffisance alimentaire
Il est crucial d’inciter les travailleurs agricoles à rester dans les zones rurales en leur promettant une meilleure qualité de vie et des possibilités d’emploi. De fait, la Russie est marquée par une longue histoire d’exode rural, puisque les habitants des campagnes à la recherche de meilleurs revenus s’efforçaient de se déplacer vers des zones plus urbaines comme Moscou et Saint-Pétersbourg. Or, l’épuisement rapide des ressources humaines du secteur agricole vers le secteur tertiaire risque d’entraîner une insécurité alimentaire.
La promotion du tourisme rural apparaît ainsi déterminante pour l’économie de ces zones dès lors qu’il participe à la mise en valeur du territoire rural. Cette dynamisation économique rend l’État capable de répondre aux besoins alimentaires de sa population. L’état d’autosuffisance alimentaire qui en découle contribue ensuite à la fois à réduire l’empreinte carbone de la Russie et à diminuer considérablement les coûts de transport et de stockage.
Exploiter l’énergie hydroélectrique de la Russie
Le tourisme rural présente également un potentiel considérable pour l’adoption de formes d’énergie renouvelables. La majeure partie de l’hydroélectricité russe – la source d’énergie renouvelable la plus importante du pays – provient de Sibérie, laquelle est également l’une des destinations les plus célèbres du tourisme rural dans le pays. De ce fait, canaliser l’énergie hydroélectrique de la Russie pour établir une infrastructure plus durable pour l’industrie touristique sibérienne constitue un pas majeur vers une reprise verte de la pandémie.
Évaluer les risques du tourisme rural
Toutefois, une expansion incontrôlée du tourisme rural peut entraver le développement de ces zones, et risque notamment de contrevenir aux objectifs den développement durable.
La promotion d’un tel tourisme doit ainsi s’inscrire conformément aux trois piliers de la durabilité :
Environnement : les politiques gouvernementales doivent être orientées vers la mise en place d’une infrastructure touristique compatible avec la protection écologique. Il s’agit notamment d’investir dans l’énergie hydroélectrique de la Russie et de l’acheminer vers les zones rurales à des tarifs subventionnés.
Social : le développement du tourisme rural doit être entrepris dans le but d’améliorer la qualité de vie des résidents ruraux et urbains. Tandis que le tourisme rural encourage à une certaine forme de mixité entre résidents ruraux et résidents urbains, les zones rurales représentent surtout une échappatoire pour les citadins au stress de la vie urbaine.
Économie : enfin, la promotion d’un tel tourisme doit se fonder sur la mise en valeur du territoire rurale et la promotion des entreprises agricoles. Il s’agirait notamment d’investir dans les PME de tourisme appartenant à des résidents ruraux.
Conclusion
Le tourisme rural a un potentiel considérable pour promouvoir une reprise verte de la pandémie. La COVID-19 doit être regardée comme un catalyseur d’innovation pour rendre l’industrie du tourisme plus durable. La promotion du tourisme rural permet à la Russie de favoriser une certaine territorialisation rurale, améliorant ainsi sa sécurité alimentaire ainsi que la qualité de vie des résidents urbains et ruraux. Le tourisme rural constitue également un moyen particulièrement efficace pour faciliter la transition vers les énergies renouvelables, par l’utilisation de l’énergie hydraulique du pays. Les territoires ruraux de la Russie abritent ainsi des communautés qui n’attendent qu’à être plus durables et autosuffisantes !
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