La reprise économique après la pandémie de COVID-19 et le défi du développement durable en Bolivie

La reprise économique après la pandémie de COVID-19 et le défi du développement durable en Bolivie

Par Carla Suárez, Responsable recherche pour la région de la cordillère des Andes

Traduit par Jade Payan, Project Manager

La Bolivie a été largement touchée par la pandémie de COVID-19, tant sur le plan économique qu’environnemental. La nation sud-américaine était déjà aux prises avec des catastrophes climatiques avant le début de la pandémie. Le territoire de la Bolivie s’étend du sommet de la cordillère des Andes jusqu’à la profondeur de la forêt amazonienne, et sa grande variété d’écosystèmes en fait l’un des pays les plus biodiversifiés de la planète, abritant des milliers d’espèces animales et végétales. Cependant, ses ressources naturelles ont été convoitées par des intérêts étrangers pendant de nombreux siècles et continuent d’être exploitées. La Bolivie abrite les plus grandes réserves de lithium du monde, la dernière ressource naturelle en demande avec la « fièvre du lithium » croissante, ce qui en fait un atout désirable pour les investisseurs étrangers ainsi que pour le gouvernement bolivien. L’administration Arce cherche actuellement à développer l’industrie du lithium dans le pays afin de relancer l’économie dans le cadre de sa stratégie de relance économique post-COVID-19. Néanmoins, les conséquences environnementales de l’exploitation des réserves de lithium du pays pourraient causer de grands dommages à l’environnement. L’extractivisme n’a fait qu’aggraver l’impact du changement climatique sur les écosystèmes du pays. En outre, la région des Andes a subi de graves sécheresses au cours des dernières décennies, qui ont affecté l’agriculture, tandis que la région amazonienne a été ravagée par des incendies qui ont entraîné une perte considérable de biodiversité. L’impact du changement climatique a grandement affecté les économies locales ainsi que les écosystèmes en Bolivie. Le gouvernement doit accorder la priorité à une meilleure protection de l’environnement afin de relancer l’économie dans un contexte post-pandémique, selon les principes du développement durable.

Écosystèmes menacés

Le changement climatique a gravement altéré les écosystèmes en Bolivie. Au cours de la dernière décennie, les sécheresses dans les Andes se sont aggravées, provoquant la fonte de la glace dans la chaîne de montagnes et intensifiant le stress hydrique. Les cultures agricoles andines, telles que les pommes de terre et le quinoa, ont été gravement endommagées par ces sécheresses, laissant les économies locales sans ressource pour se maintenir. En outre, la pénurie d’eau menace les moyens de subsistance des populations des hauts plateaux boliviens, qui ne sont plus à même de cultiver des produits agricoles pour les vendre ou les utiliser pour leur propre consommation.  La stabilité des cycles de pluie est essentielle pour l’agriculture dans la région des Andes. S’il n’y a pas de précipitations pendant la saison des pluies, les cultures agricoles sont automatiquement affectées puisque les cycles de l’eau qui alimentent les Andes en précipitations proviennent des basses terres de l’Amazonie. Les sécheresses dans les Andes sont causées par la nature changeante de ces cycles de l’eau. Les incendies qui brûlent la forêt amazonienne ont endommagé l’écosystème, avec pour conséquence la dérégulation des cycles de l’eau.

À travers le pays, dans les basses terres, la forêt amazonienne, surnommée « le poumon du monde », est constamment menacée par des incendies ravageurs, qui ont provoqué une perte massive de biodiversité. En 2019, 5,9 millions d’hectares de forêt tropicale ont été brûlés, ce qui équivaut à 4 % du territoire bolivien. Les mesures de confinement prises en 2020 n’ont pas permis d’éviter ces incendies ravageurs puisque 4,5 millions d’hectares ont été brûlés cette année-là, et en 2021, plus de 3 millions d’hectares de forêt tropicale ont été perdus dans les incendies. La perte de la forêt tropicale à cause des incendies a également causé la mort de millions d’animaux qui y vivaient ainsi que la mise en danger d’extinction de plusieurs espèces animales. Ces incendies sont déclenchés par des personnes ayant des intérêts commerciaux dans les secteurs de l’élevage et du soja, qui font partie des principales exportations du pays. L’industrie de l’élevage est responsable de 60 % de la déforestation en Bolivie. La forêt amazonienne absorbe le CO2, une fonction vitale des écosystèmes, car elle régule la qualité de l’air que les humains respirent. Si les incendies continuent de détruire la forêt amazonienne, elle pourrait se transformer en savane, ce qui signifie qu’elle cessera d’absorber du CO2 et commencera à en émettre à la place, modifiant de manière permanente l’équilibre des écosystèmes et affectant les êtres vivants à l’échelle régionale et mondiale.

L’extractivisme et son impact socio-économique

L’extractivisme est le fruit d’une longue tradition en Bolivie depuis l’époque coloniale. La Bolivie est un pays riche en métaux et en minéraux qui ont été exploités au fil des siècles par des puissances étrangères afin de créer des richesses à l’étranger. La poursuite d’intérêts économiques a causé de grands dommages environnementaux et continue de représenter un défi important dans la lutte contre le changement climatique.

La Bolivie abrite les plus grandes réserves de lithium du monde (l’équivalent de 21 millions de tonnes) ; cependant, le pays ne possède pas l’infrastructure industrielle nécessaire à l’exploitation du lithium. Les réserves de lithium du pays, situées à Potosi, sont convoitées par de grandes puissances économiques, telles que la Chine, les États-Unis et les pays de l’Union européenne, qui en ont besoin pour produire des batteries au lithium et d’autres produits à base de lithium afin de stimuler la transition écologique dans leurs pays respectifs. Le gouvernement bolivien a présélectionné huit entreprises étrangères de Chine et des États-Unis pour négocier une concession d’exploitation des réserves de lithium du pays sous forme de coentreprise avec l’entreprise publique Yacimientos de Litios Bolivianos (YLB). L’exploitation du lithium pourrait causer des dommages environnementaux substantiels et irréversibles dans la région. À Potosi, une importante région agricole des Andes, les cultures de pommes de terre et de quinoa situées aux alentours des salines d’Uyuni ont déjà été affectées par des sécheresses dues au changement climatique et ces cultures sont gravement menacées car les activités d’exploitation du lithium qui entraînent une contamination de l’eau. Cette situation a eu un impact socio-économique négatif sur les familles qui vivent de l’agriculture dans la région et les place dans une position vulnérable, car ces familles dépendent de la production agricole pour leur subsistance.

En outre, dans la région amazonienne, l’exploitation minière illégale et l’accaparement forcé des terres indigènes menacent la préservation des réserves naturelles. Les réserves naturelles sont illégalement occupées, exploitées et contaminées par le mercure utilisé dans les mines d’or. Le parc national de Madidi, l’une des plus grandes réserves naturelles de Bolivie, est actuellement occupé illégalement par des sociétés d’extraction d’or qui sont responsables de l’empoisonnement au mercure. On estime que 8 % des terres sont compromises à 140 sociétés minières.  Le mercure est une substance hautement toxique qui menace les moyens de subsistance des communautés indigènes qui y vivent. Les animaux et les plantes sont également en danger avec l’invasion illégale de ces réserves naturelles. Les communautés indigènes vivant dans ces zones protégées, qui ont été parmi les plus vulnérables pendant la pandémie en raison du manque d’infrastructures médicales dans les zones rurales, sont maintenant déplacées par les occupants qui contaminent et détruisent leurs terres. De nombreux militants écologistes et leaders autochtones qui ont dénoncé les activités minières illégales ont été menacés, voire tués, alors qu’ils cherchaient à obtenir une justice environnementale.

La Bolivie se dirige-t-elle vers un développement durable ?

Malheureusement, l’indifférence du gouvernement face à l’écocide qui se déroule en Bolivie est préoccupante. L’administration Arce souhaite s’associer à des entreprises étrangères pour exploiter les ressources naturelles du pays afin de relancer l’économie, mais cette stratégie ne constitue pas une source de croissance économique durable car elle profitera principalement aux acteurs économiques étrangers et ne sera que préjudiciable à l’environnement. Le gouvernement ignore constamment les plaidoyers des dirigeants indigènes et des militants écologistes en faveur de la protection de l’environnement et de la justice, car sa stratégie de relance de l’économie est loin d’être durable et menace la préservation des écosystèmes qui sont essentiels pour protéger et soutenir les économies locales qui ont été touchées par la pandémie. Le brûlage et l’exploitation illégale des terres en Bolivie ne font qu’accélérer le changement climatique. Il faut donc renforcer la législation environnementale et la mettre en œuvre de manière approfondie aux niveaux régional et national, en prévoyant des sanctions pour ceux qui la violent.  Le gouvernement doit cesser de promouvoir et de protéger ces activités illégales et changer sa stratégie pour donner la priorité à la protection de l’environnement et à la sécurité alimentaire plutôt qu’au profit économique. La préservation d’écosystèmes équilibrés est essentielle pour soutenir la croissance économique à long terme, car elle a un impact direct sur les cycles de l’eau, la production agricole et les économies locales. La reprise économique post-pandémique en Bolivie doit être basée sur les principes de la protection de l’environnement afin de créer des solutions économiques durables.

Bibliographie

Oxfam Bolivia Report, Bolivia: Climate change, inequality and resilience (2020), disponible ici:

https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Bolivia-climate%20change-inequality-resilience-en.pdf

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https://www.fao.org/fao-stories/article/es/c/1273725/#:~:text=El%2022%20de%20marzo%2C%20el,mediod%C3%ADa%20para%20salvaguardar%20el%20suministro.

Portier Davis, E., EU faces green paradox over electric vehicles and lithium mining (20/07/2021), disponible ici :

https://climate-diplomacy.org/magazine/environment/eu-faces-green-paradox-over-electric-vehicles-and-lithium-mining

Albright, Z., Wang, K. and Ray, R., Argentina, Bolivia and Chile need a responsible lithium boom, (30/09/2021) Diálogo Chino, disponible ici :

Telma Jemio, M., Bolivia’s forest fires and the rise of beef exports (04/09/2019), Diálogo Chino, disponible ici :

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