Respect de l’Accord de Paris : une analyse de la Fédération de Russie

Respect de l’Accord de Paris : une analyse de la Fédération de Russie

Par: Paakhi Bhatnagar, Research Leader for Russia and Central Asia pour Econogy Project

Traduit par Maria Suciu, Head of Partnerships pour Econogy Project

L’Accord de Paris est un traité adopté par plusieurs pays lors de la COP21 en décembre 2015. L’objectif de l’accord est de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050 afin de lutter contre le réchauffement climatique. La Russie, parmi d’autres pays, a signé ce traité en avril 2015.

La Russie reste le seul pays du G8 qui n’ait pas fait de progrès significatifs dans l’atténuation de la crise climatique, malgré sa signature sur tous les traités de l’ONU traitant du climat et la direction des négociations sur le climat au sein des pays BRICS. Cela remet en question l’efficacité des traités internationaux. En fait, en2017, la Russie représente  4,6%  des émissions mondiales de GES.

Alors que nous comptons sur la COP26, six ans après la première convention sur l’Accord de Paris, il est important d’analyser les progrès réalisés par la Russie et son potentiel pour atteindre ses objectifs d’ici 2050.

La portée de la dernière CDN russe

Les Contributions Distribuées au Niveau National ou CDN sont au cœur de l’Accord de Paris et visent à communiquer les objectifs de chaque pays en matière d’atténuation du réchauffement climatique et de réduction des émissions de GES.

La CDN soumise par la Russie en novembre 2020 exprimait l’objectif de la Russie de limiter les émissions de GES de 70% pour la periode 1990-2030. Cela a été calculé en tenant compte de la capacité d’absorption maximale possible des forêts et autres écosystèmes de la Fédération de Russie. 

Cependant, la CDN a été marquée comme « gravement insuffisante » par le Climate Action Tracker  (CAT), un indicateur indépendant qui mesure les progrès des pays par rapport à l’Accord de Paris. Selon le CAT, l’objectif de la Russie de réduire ses émissions nationales de 30% d’ici 2030 était à peine une augmentation par rapport à sa CDN de 2019 qui visait une réduction de 25 à 30% d’ici 2030. 

Plus important encore, les émissions projetées de la Russie sont susceptibles de stagner ou d’augmenter d’ici 2030  plutôt que de diminuer.  Cela  peut être vu dans la « Stratégie énergétique – 2035 » de la Russie qui signale une augmentation de sa production de combustibles fossiles  au cours des 15 prochaines années.

La production de combustibles fossiles et de gaz naturel est une partie importante de l’économie nationale de la Russie. Ce manque d’engagement envers les objectifs fixés par l’Accord de Paris indique la nature conflictuelle de la gestion de la crise climatique pour les pays qui dépendent de l’exportation de combustibles fossiles.

L’avenir de l’Accord de Paris en Russie

Alors que la Russie lutte pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, elle devrait se concentrer sur certains aspects importants, afin de mettre en œuvre et faire progresser sa stratégie nationale d’atténuation du changement climatique.

Favoriser les partenariats public-privé (PPP)

Le respect de l’Accord de Paris devrait être considéré comme un processus multipartite. Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 est sans aucun doute un défi difficile et le consensus de la COP26 indiquera probablement le rôle accru du secteur privé. Les gouvernements ne peuvent plus mettre en œuvre les objectifs de l’accord tout seuls. Des PPP efficaces sont essentiels pour atteindre ces objectifs.

Alors que la Russie depuis 2019 a commencé à mettre en œuvre davantage de PPP dans les domaines de la santé et de la protection sociale, beaucoup d’entre eux ont été annulés alors qu’ils étaient en cours de développement ou n’ont  pas été en mesure de fonctionner  efficacement. Cela peut être dû à la fois à la corruption en Russie et à une infrastructure incapable de soutenir les PPP.

Mettre l’accent sur la transparence et la divulgation

La corruption et le manque de transparence sont des problèmes importants en Russie – à la fois dans les secteurs privé et public. La Russie doit prendre des mesures plus strictes pour lutter contre la corruption afin de construire une infrastructure qui soit transparente dans son rapport sur les émissions.

Les entreprises devraient également être encouragées à créer des plans crédibles pour leur transition vers des émissions nettes nulles. La transparence quant à leurs objectifs obligera les entreprises à être plus responsables dans leur engagement à atténuer la crise climatique. 

Des recherches plus solides sur l’estimation du budget carbone forestier

Selon l’Accord de Paris, les émissions de GES devraient être déclarées en fonction du secteur d’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF). L’UTCATF mesure la capacité des forêts et autres écosystèmes verts d’un pays à absorber les émissions de GES.

En Russie, les recherches effectuées sur l’UTCATF font défaut et il y a peu de consensus  sur le volume des puits de carbone provenant de l’UTCATF. Un manque de connaissances sur les fondements de la mesure des GES empêche le gouvernement de créer une stratégie efficace d’atténuation du changement climatique.

Fixer des objectifs plus ambitieux

La production russe de combustibles fossiles n’a fait qu’augmenter au cours des dernières années. La Russie reste également l’un des rares partis de l’Accord de Paris à ne pas avoir proposé une CDN plus ambitieuse avant la COP26.  

Les efforts de la Russie pour faire respecter l’Accord de Paris semblent donc plus minimes que pratiques. La fixation d’objectifs plus ambitieux qui promettent, au strict minimum, une diminution progressive des émissions de GES du pays devrait se refléter dans la prochaine CDN de la Russie.

En outre, une transition mesurée de la production de combustibles fossiles à l’énergie verte devrait être prioritaire. Le potentiel inexploité de la Russie dans l’exploitation de l’hydroélectricité n’est qu’un exemple des ressources naturelles que le pays pourrait utiliser pour effectuer cette transition.

Conclusion

Les traités et accords internationaux ont toujours fait l’objet d’un examen minutieux dans leur efficacité. Souvent, ces traités adoptent une position nominale plutôt que d’offrir une solution pratique aux problèmes internationaux. Cependant, l’Accord de Paris offrait un cadre constructif permettant aux pays de se diriger vers un avenir plus vert. Les CDN et les conventions régulières sur le climat fournissent des structures de responsabilisation clé, permettant aux pays d’adhérer à leurs objectifs climatiques. 

Les succès de l’accord, cependant, restent à être mieux étudiés en Russie. La COP26 donnera peut-être plus d’informations sur l’avenir de l’Accord de Paris dans le pays.

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